"Miquelot de Rouen au Mont-Saint-Michel. Un chemin de foi." (05/09/2014)

Quelques extraits :

 

Préface ( De Mgr J-Ch. DESCUBES)

Quand on part en pèlerinage, c’est le premier pas qui compte. 

Après avoir arrêté sa destination, préparé son équipement, il faut couper avec les multiples habitudes qui rythment et ritualisent notre vie quotidienne. 

Partir en pèlerinage, c’est toujours renoncer à un avant même s’il nous fait ce que nous sommes et s’il habitera l’itinéraire du pèlerin. Sa relecture le revêtira de nouvelles couleurs. Sans celle-ci la marche serait vide. 

Les adieux aux proches qu’il faut parfois brusquer, accomplis, la porte fermée, vient alors le pèlerinage. Une aventure personnelle, un chemin de liberté, une grande disponibilité qui donne le temps de rencontrer ceux qui sont croisés sur la route ou qui accordent leur hospitalité. 

Puis vient le jour de l’arrivée. Découvrir ce dont on rêvait, remplit de joie. Mais s’y mêle aussi la nostalgie d’une marche achevée. Demain on ne repartira pas. En tout cas pas de la même manière. La marche transforme le pèlerin et l’enrichit en profondeur humainement et spirituellement. 

Dans les pages qui suivent, André NESTASIO raconte son pèlerinage. Il a choisi le Mont Saint Michel, haut lieu spirituel et monastique de la Normandie. Au cours de cette marche il a peiné – la météo n’était pas des plus clémentes – ; il a surtout rencontré, partagé, prié et donné. 

« L’homme n’est pas maître de son chemin, le pèlerin ne se fixe pas lui-même sa démarche » (Jérémie 10,23).  

A la lecture de ce récit, qui doutera de l’ardent désir qui habite André NESTASIO ?  Repartir pour un nouveau pèlerinage.

 

Jean-Charles DESCUBES 

Archevêque de ROUEN 

 

Introduction 

 

                                                                               Se fixer un objectif au-delà de ses capacités et ignorer ses limites

 

                                                                              Partager ma foi à travers ce projet… 

Le Mont-Saint-Michel, joyau du Moyen-Âge, un des plus admirables exemples de prouesse architecturale monastique et militaire médiévale, dressée entre ciel et mer, dominée par la statue de l’Archange Saint-Michel ; voilà l’un des Hauts-lieux de pèlerinage  qui m’attirait depuis fort longtemps, dans le prolongement d’une longue tradition pèlerine chrétienne… Le retour à trois vertus cardinales que sont le sens de l’effort, le respect de la Création et la proximité humaine, jointes… à mon grand ami le vent pour me raconter, ont participé à ma fascination lors de ma seconde visite de ce patrimoine mondial de l’UNESCO ; au-delà du fait  de «promouvoir» la foi et donc de tenter d’en vivre le message évangélique (prières, esprit de pauvreté), voilà quelle fut l’objet de ma mobilisation. 

... Le parcours préparé pour me rendre au Mont, à pied, s’est inspiré de celui proposé par l’Association «Les chemins de Saint-Michel ». Celui-ci emprunte globalement  les grandes voies du Moyen Âge appelé traditionnellement «chemins des Ducs de Normandie» ou «chemins du paradis» ; itinéraire soigneusement établi dont les réseaux préfigurent souvent ceux des actuelles routes nationales (Chemin de Rouen : 332 Km, chemin de Caen : 160 Km, chemin de Cherbourg, chemin de Barfleur, sans oublier le chemin de Paris via Chartres.  A partir du Pont-de-Vie, près de Vimoutiers, cet itinéraire emprunté par les pèlerins  dès le XIème siècle, était désigné comme étant « le chemin qui va au Mont-Saint-Michel»). Après avoir traversé le Pays d’Auge,  peu avant Falaise, l’on rejoint le Grand chemin de la Bretagne, en provenance de Paris. De la Haute-Normandie à la Basse-Normandie les paysages préservés sont particulièrement variés ; l’habitat évoluant au fur et à mesure de la progression de ma marche… 

«Jésus nous enseigne de ne pas avoir peur de sortir de nos schémas pour suivre Dieu, car Dieu va toujours au-delà». 

Ce trajet, fut préparé sur des documents cartographiques et matériels mais très peu de préparation et d’entrainement physique.  Il faut reconnaître que mon activité quotidienne de retraité actif, complétée de quelques petits trajets pédestres locaux d’environ 7 à 10 Km soit d’une demi-journée me furent suffisants. Parfois s’y était associée mon épouse Odile ; Odile qui assurera, durant mon absence, l’entretien du parc quel que soit le temps. Ensuite, sur mon chemin, je ne fus plus accompagné d’Odile mais ce sont la pluie et le vent qui, le plus souvent, jalonnèrent ce sympathique et austère état de marche, sans tourisme, sansalcool, sans télévision ni radio, avec un minimum de frais ( Moins de 400€ -retour SNCF compris- pour 16 jours, soit des dépenses réduites au minimum vital : Manger et dormir ! ), me procurant ainsi des moments de pur bonheur à faire exploser le cœur lorsque ma foi s’y ajoutait complétés, inévitablement, de moments un peu- plus difficiles. Je précise que ce chemin s’est avéré non seulement accessible au néophyte que je suis mais également sûr… 

«L’homme n’est pas maître de son chemin, le pèlerin ne fixe pas lui-même sa démarche»                                                                                                                         Jérémie 10-23 

Principales étapes de mon parcours programmées sur les cartes IGN au 1/100000 N° 117 et 116 :  .... 

...

 

«Ainsi parle le Seigneur : La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvéla terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germer pour donner la semence au semeur et le pain à celui qui mange : Ainsi ma Parole, qui sort de ma bouche, ne me reviendra pas sans résultat, sans avoir fait ce que je veux, sans avoir accompli sa mission »                                                                                                                                                             Isaïe 55, 10-11

Réveil à 5 H 00 du matin avec une pluie battante et persistante –je me suis rendu compte que ma tente ne résistait pas à de fortes pluies (j’avais parfois de petites bruines ou gouttelettes et l’intérieur de ma toile était mouillé)- Aussi ai-je dû protéger mes affaires et n’osais pas trop bouger du fait de l’exiguïté de cette tente de bivouac en montagne. C’est ainsi que près de moi se trouvait, dans un sac plastique, un restant de morceau de pain qu’à 10 H 00 j’ai mangé allongé. Quant à mon sac à dos, il était resté à l’abri sur son chariot sous la table de béton de l’aire de pique-nique. Néanmoins, il me fallait sortir de cette impasse, aussi m’étais-je décidé à sortir de mon minuscule abri à 11 H 00, quelle que soit l’intensité de cette pluie. Depuis environ une demi-heure celle-ci était devenue moins forte. Contre vents et marées, il me fallait prendre le large ! Je dois dire que quitter un espace aussi réduit (40 centimètres aux pieds et 55 à la tête…), par un tel temps, relève de l’exploit sportif ! A 11 H 10 j’ouvre la fermeture à glissière latérale de ma toile, me déplie pour sortir et là. Divine surprise, car à cet instant même la pluie a cessé. Après avoir consommé un bref petit déjeuner puis placé sommairement mes affaires de couchage dans un sac poubelle en plastique et roulé ma toile détrempée, j’ai refait le plein d’eau au cimetière de MEULLES puis ai pris la direction de Vimoutiers, plein d’entrain... 

... Passage de la « frontière » départementale de l’Orne. Déjeuner à 14 H à l’issue d’une longue côte. Le temps est gris, sans pluie. Je me fais chauffer le thé que je n’avais pas pris le matin.

...  

Je cherche le Seigneur, il me répond :

 De toutes mes frayeurs, il me délivre.

Qui regarde vers lui resplendira,

Sans ombre ni trouble au visage

Extrait du psaume 33 

... 22 H 15, trois jeunes m’ont rejoint. Nous avons parlé de leurs études et de mon trajet. Je dois dire que la responsable du camping m’avait prévenu que lorsque les locaux ne sont pas fermés des jeunes s’y amusent  régulièrement et parfois salissent les toilettes, … Je dois dire que tel ne fut pas le cas ce soir-là. Néanmoins, tard dans la soirée, un groupe d’une dizaine de jeunes en scooter se rassemblèrent à l’arrière du bâtiment assis sur des marches d’escalier. De cette veillée impromptue, discussions paisibles et rires fusaient. Vers minuit trente, deux automobiles les rejoignent et, caissons de basses en renfort, laissent entendre du «Rap» - dont les paroles très négatives vis-à-vis de l’Homme, de la société et de la France en particulier, m’indisposent - . Ne pouvant trouver le sommeil, je décide d’aller à leur rencontre et leur explique que je suis un pèlerin-marcheur jusqu’au Mont. Il est donc impératif pour moi de reprendre des forces. L’odeur particulière et typique du «joint» m’envahit. Je ne laisse pas transparaître et continue de répondre à quelques-unes de leurs questions dont celle de la solitude ou distance parcourue. Comment leur faire découvrir que l’apparition de leur pèlerin ne reste pas un mystère ou plus exactement mystérieuse dans l’épaisse obscurité de la nuit ? Soudainement l’un des deux occupants restés assis dans l’auto se lève et leur intime «l’ordre» de quitter les lieux «Allez, on s’en va ! ». Aussitôt, le groupe a disparu dans le ronflement des moteurs de scoot et crissements de pneus… pour aller… où ? Je ne doute point qu’ils se sont rapprochés de leurs lieux de travail respectifs car nous sommes déjà le jeudi depuis une heure! Un chemin vaut toujours mieux pour un jeune qu’une place publique. Dans le premier cas il avance vers un but, dans le second cas, il attend et son regard tourne en rond... 

Je dois dire que je ne me suis pas endormi aussitôt…

... Confronté à des sentiers herbeux, boueux, caillouteux voire rocheux où, de façon à être plus clair, peu entretenus et ravinés, je préférai tirer mon chariot en soulageant ses deux bras de portage, jusqu’à parfois ne plus les fixer sur mon harnais. Longeant une ravine, je glissai sur les feuilles tassées et détrempées. J’étais loin d’être préoccupé de savoir quel serait, le soir, mon lieu de couchage ; et puis, ... 

... 

En certains endroits, le grillon chante joyeusement. Je rêve d’en ramener quelques-uns cheu nous… Puis, au loin, le bruit lugubre d’une tronçonneuse… 

... Le choc de mes deux bâtons rythme mes pas comme le batteur viking cadençait ses rames... 

... Il est 19 H 30, je décide de planter ma tente en bordure d’un champ de foin non coupé, adossé à la colline. Un peu plus haut, on me verra moins car il y a une cavée bordée d’arbres. Je plante ma tente au pied d’un chêne et prépare le dîner. Ce soir loin de tout, je ressens un peu plus la solitude. Le temps va probablement s’améliorer et l’anticyclone des Açores s’imposer car les agriculteurs au loin coupent ou retournent leur foin. Il est largement 21 H 30, je suis couché lorsque, soudainement,...

...

La vitesse de la lumière étant supérieur à la vitesse du son, bien des gens ont l’air brillants jusqu’à ce qu’ils ouvrent la bouche…                                                                           Lao Tseu  

Et après ? Et bien après, j’ai rejoint quelques instants mon jeune couple d’artistes –refusant aimablement la bière proposée- afin de partager et le verre d’eau du pèlerin et leur discussion à «bâtons rompus» concernant la vie et ses questions existentielles dont le rejet de la société telle qu’elle est… jusqu’à minuit trente, sans épuiser le sujet si ce n’est moi-même humble sujet… 

... De passage, le Père Henri s’est montré surpris de me voir là intervenant dans la cour. Je le percevais un peu déçu de ne pas avoir  effectué la tâche qu’il avait prévue pour moi (L’Esprit-Saint avait probablement omis de le prévenir !). Afin de régler ce quiproquo, somme toute mineur, je lui promis de me mettre à sa disposition dès que j’en aurai terminé ici. Ce fut le cas à 15 H. Laissant là mes outils, je filai à ... 

... … Il me répondit ne pas être surpris… Le frère moine poursuivit :     «Venez-vous à la messe demain ? ». Je lui confirmai l’avoir prévue. «Alors,   je vous invite à ma table pour le déjeuner ! ». Evidemment, comme vous pouvez l’imaginer, je fus très ému par tant de sollicitations surprenantes… Une nouvelle grâce ? Nous avons prolongé notre échange en évoquant les difficultés vécues par notre pays puis l’Abbaye de SAINT-WANDRILLE et son Père-Abbé Jean-Charles NAULT. Il ne le connaissait pas mais... 

... Enfin, je lui ai demandé quelle était sa fonction particulière dans ce monastère. «Je suis le Père Prieur François-Marie,  ... 

... Le moment de prendre le chemin du retour est arrivé. Le coefficient de marée est au plus bas. Le temps est gris, brumeux. Il fait presque un peu frisquet, Le vent rend la traversée vivifiante !  

... En accord avec «Modestine», ma fidèle co-équipière à roues, chargée du transport, je me sentais paré à poursuivre immédiatement vers Compostelle ! A Dieu vat, je peux y aller ! Mais voilà, mon «contrat» avec ma bonne épouse, Odile, prévoyait une absence de seize à dix-sept jours…  

... En guise de témoignage, j’ai voulu apporter quelques faits marquants de mon cheminement jusqu’au Mont. Ceci sans prétention aucune ni leçon à donner. Avec la simplicité de mon langage, mes mots… La plupart du temps, ces événements ne sont pas datés. Ils sont, néanmoins relatés selon un ordre chronologique. Que de rencontres riches de diversités. Chaque journée m’a apporté son lot de surprises et de difficultés à surmonter mais combien de fierté en ai-je retiré ? Le bonheur est un voyage, pas une destination… La preuve que...

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21:47 Écrit par André | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mont-saint-michel, foi, providence, marche, chariot, pluie, vent, psaumes, dieu, seigneur, jésus, archevêque, abbaye | |  Facebook | |  Imprimer |  del.icio.us | | |